Fraude assurance maladie: combat mutuel

Dossier: fraude à l'assurance maladie
À l'heure où l'on parle de réduction des dépenses, d'accord sur les dépassements d'honoraires, d'accès aux soins pour tous, il serait bon de remettre sur le devant de la scène une problématique qui concerne mutuellement tous les acteurs de la santé: État, professionnels de la santé, mutuelles complémentaires, et aussi les assurés. Les chiffres de la fraude à l'Assurance Maladie méritent un coup de projecteur, donné par le comparateur de mutuelle.

Dans la frénésie ambiante où la France est totalement étourdie par les "mesures" d'urgence (principalement hausses en tout genre) proposées pour rétablir l'équilibre budgétaire, on en oublie qu'une des premières mesures à prendre serait de lutter contre les fraudes et l'incivisme, véritable "tsunami social" qui sévit dans notre pays, dont la facture est très lourde.

Les chiffres de la Fraude à l'assurance santé

Passons sur les problèmes de violence à l'école et de violence routière qui s'aggravent de jour en jour, et concentrons-nous sur le chapitre "Assurance Maladie"... Car ce sont pas moins de 479,5 millions d'euros qui ont été détournés des caisses de l'assurance maladie en 2011. Un pillage organisé, avec une hausse de 22 millions d'euros par rapport à 2010! Ceci, tous régimes d'affiliation confondus.

Travail au noir et arrêts de travail

Le préjudice ne représente qu'un modeste pourcentage de cette fraude. Mais il est moralement inadmissible de travailler en étant en arrêt maladie, à la retraite, au chômage... Car cette fraude menace un pilier de notre modèle social: aider ceux qui ne peuvent plus travailler temporairement, à pouvoir assurer un revenu minimum.
Chez les travailleurs indépendants, ce sont 12,21 millions d'euros qui ont été détournés.
13 % des arrêts maladie seraient injustifiés ou inadaptés, avec une augmentation constante depuis 2000.
Du côté des Caisses d'Allocations Familiales, le "trou perçu" se monte à 101,58 millions d'euros, soit près d'1/4 de la fraude. La branche vieillesse absorbant quant à elle 14 millions d'euros...

Les professionnels acteurs de la fraude

Les médecins ne sont pas en reste: on évalue à 7 millions d'euros la facture des arrêts de travail et autres ordonnances de complaisance!
Ajouté au coût des dépassements d'honoraire, des ordonnances à rallonge ou des doublons d'examens inutiles, la responsabilité de certains professionnels de la santé, dans la menace qui pèse sur notre assurance santé, n'est pas des moindres.
Les établissements de soins sont impliqués aussi: surfacturation, abus de transport de malades, allongement des séjours, prestations inutiles ou mal encadrées...

Conséquences sur les mutuelles

Avec un impact direct sur le coût des mutuelles, elles aussi victimes de ces fraudes. Entre les remboursements complémentaires de dépenses illégales ou injustifiées, ou même le remboursement par plusieurs mutuelles d'une même dépense (interdit par la loi), les mutuelles complémentaires assument une part de ces détournements. Et augmentent leurs tarifs de cotisation en conséquence...

Conséquences sur l'assurance santé

Près d'un demi milliard d'euros, c'est dur à absorber pour les caisses de l'État. Une des conséquences directes de la fraude à l'assurance maladie, ce sont les restrictions successives en matière de remboursement: déremboursements, franchise médicale, parcours de soins etc.
Face au problème de la fraude à l'assurance maladie, celui des dépassements d'honoraires peut paraître dérisoire. Mais bon: les grands fleuves sont faits de tous petits ruisseaux...

Conséquences sur les assurés

C'est sur ce point que le comparateur de mutuelles DevisMutuelle.com souhaite particulièrement relancer le débat. Car les premiers à être pénalisés par les abus des fraudeurs, sont tous les assurés qui voient leur protection santé diminuer de plus en plus, faute de moyens. L'autre conséquence étant la hausse constante des cotisations sociales, dont la CSG-RDS payée par tous, y compris les sans emploi et retraités...

Sans oublier que près de 500 millions d'euros, ça en fait des prises en charge ALD, des consultations de spécialistes etc. qui ne peuvent plus être prises en charge.
Cela pourrait même financer une partie de la dépendance, une préoccupation mutuelle aux 2 candidats Hollande et Sarkozy lors de la campagne 2012...

Les types de fraude à l'assurance maladie

On ne vas pas s'étendre sur ce paragraphe, afin de ne pas donner trop d'idées. Évoquons quelques fraudes connues:

  • arrêts de travail injustifiés,
  • multiplication d'ayant-droits n'ayant aucun droit réel à bénéficier de la couverture santé de l'assuré principal,
  • demande de remboursement multiples pour une dépense unique,
  • dépenses indûment facturées par les établissements de soins,
  • surfacturations de prestations (transport de malade, acte en kinésithérapie etc.),
  • etc.

Qui fraude?

Un rapport d'enquête sur la fraude sociale réalisé sur la demande de l'ex-président N. Sarkozy tendait à démontrer que les prescripteurs (établissements hospitaliers, cliniques, professionnels de santé) étaient plus impliqués dans le coût de la fraude à l'assurance maladie, que les assurés.
En revanche, la responsabilité serait largement celles des assurés concernant les autres fraudes sociales: travail au noir, prestation des Caisses d'Allocations Familiales...

Mesures de lutte contre la fraude

Pour l'instant, il y en a relativement peu. Le projet d'instaurer une carte vitale biométrique en fait partie. Mais il semble que la carte vitale biométrique a été embarquée dans les cartons du déménagement du précédent occupant de l'Élysée.

Mutualisation des systèmes d'information des services publics

Mutualiser les systèmes de données serait un moyen de recouper plus efficacement les informations pour dénicher les fraudeurs de tout poil: impôts, allocations familiales, assurance maladie, assurance chômage...

Mutualisation des caisses

Fusionner les multiples organismes (et régimes) d'assurance maladie serait aussi une solution. Plus facile d'effectuer de contrôler un chien à une tête qu'un cerbère à trois têtes. C'est la contre-mesure appliquée par la nouvelle Caisse de l'Artois contre la fraude.
Ce serait aussi l'occasion d'uniformiser les régimes, car le principe d'égalité, pourtant inscrit dans la Constitution française, est bien loin. Pourquoi 3 jours de carence maladie pour le privé et 1 seul pour les fonctionnaires? Pourquoi les artisans et les agriculteurs sont-ils moins bien pris en charge que les salariés?

Coopération entre instances publiques

C'est dans cette logique de mutualisation que la police nationale, la gendarmerie et l'Assurance Maladie ont signé un protocole d'accord en 2007. Objectif: mieux coopérer pour améliorer la lutte et la répression contre les fraudes. Reste que sans un minimum d'implication et de volonté, ou encore par manque de temps et d'effectifs, former des personnels à la détection de faux documents est insuffisant.

Néanmoins, avec ce protocole et les mesures adoptées en 2004 par l'assurance maladie, le score des chasseurs de filous est passé de 3 241 fraudes en 2005, à 18 500 en 2006: soit 6 fois plus en un an.

Augmenter la capacité à sanctionner

Mais si on augmente la capacité à débusquer la fraude, il faut aussi augmenter la capacité à faire appliquer les sanctions. Les services internes de l'assurance maladie ont pu récupérer 132 millions d'euros en 2008. Dont 13,3 millions d'euros auprès de médecins complaisants...
Toujours en 2008 "seulement" 230 condamnations pénales et 300 interdictions d'exercer ont été prononcées. Tous fraudeurs confondus (professionnels et assurés), ce sont 700 peines de prison et plus de 3 000 sanctions administratives qui ont été prononcées.

Un coût indirect s'ajoute à celui de la fraude: car dénicher les fraudeurs et les punir mobilise des ressources financières et humaines, qui seraient bien plus utiles ailleurs....

Cadre juridique et social

Combler certains vides juridiques paraît indispensable. L'assurance maladie doit-elle rembourser les frais de santé de plusieurs épouses d'un même homme, dans un pays où la polygamie est interdite?

Par ailleurs, le concept même de l'aide sociale étant fondé sur la mutualisation de ressources, n'est-il pas possible d'admettre que toute personne bénéficiant de notre protection sociale y contribue aussi, à sa mesure et quel que soit son statut? Le maintien de la franchise médicale n'est-il pas justifié de ce point de vue?

Peut-on continuer à laisser des dettes courir, qui devraient être acquittées par les États dont certains ressortissants viennent sur notre territoire pour bénéficier d'une meilleure qualité de soins? Bien sûr que des cas sensibles comme celui du bébé-bulle opéré à Lyon nous émeuvent. Mais à vouloir sauver la planète entière, aurons-nous encore longtemps les moyens de sauver ceux qui sont devant notre porte? La difficulté d'accès aux soins grandissante, en France, démontre que non.

Mondialiser le système d'assurance maladie à la française

Nous ne pourrons pas augmenter indéfiniment nos charges pour maintenir notre système d'assurance santé. Par ailleurs, une partie de la fraude provient de circuits "hors France". Entre autres, les barons du trafic international (drogue et autres marchandises en tout genre), dont certains "filleuls" sont des "assurés" notoires. On dénombrerait 10 millions de cartes vitales en trop sur le territoire...

Exporter notre modèle de protection sociale pourrait donc être un bon moyen de réduire le déficit comme les fraudes, en incitant d'autres pays à développer une assurance maladie digne de ce nom, pour permettre à leurs ressortissants de se faire soigner.
Poussons l'idée jusqu'au bout: la France est reconnue pour son niveau d'expertise médicale. Pourquoi ne pas la vendre comme d'autres vendent leur pétrole, et demander aux États de verser des cotisations à notre assurance maladie, au prorata de leurs ressortissants accueillis sur notre territoire?

Les mutuelles et les assurances prévoyance

Bien entendu impliquées dans ces abus, les mutuelles et les assurances prévoyances multiplient les contre-visites, en mandatant leurs propres médecins-conseils.

Quels autres moyens pour lutter contre la fraude?

Durcir les sanctions? Dénoncer les fraudeurs? Exiger le remboursement des sommes indûment perçues, quitte à faire payer le/les responsables toute leur vie?
Pour vous aider dans votre réflexion sur la question, pensez à toutes ces familles, ces personnes en difficultés, que la France a de moins en moins les moyens d'aider, pour cause de fraudes.

Les sanctions pour fraude à l'assurance maladie

Nous ne reprendrons pas l'ensemble des sanctions possibles pour fraude à l'assurance maladie. Elles varient selon le montant escroqué, le type de prestation, et le fraudeur.
Les peines vont de l'obligation de rembourser, à l'emprisonnement ou l'interdiction d'exercer, sans oublier les amendes ou la suppression de certaines prestations. Les assurés peuvent aussi être condamnés à payer des pénalités, calculées selon la fraude.

À titre d'exemple, un gérant d'une société de transports (région Rhône-Alpes) a été condamné en 2008, à 15 mois de prison avec sursis, une mise à l'épreuve de 3 ans et 40 000 euros de dommages et intérêts, pour avoir falsifier des documents et fait des surfacturations.

Pour un salarié, travailler tout en étant en arrêt maladie peut être puni de 5 ans d'emprisonnement et de 350.000 euros d'amende...!

La fraude à la CMU-C quant à elle peut "rapporter" une pénalité de 457,28 €, en plus du remboursement de l'aide perçue. La falsification d'un arrêt de travail est pénalisé de 2 859 €.

Le mot du comparateur de Mutuelle

Outre la hausse des cotisations sociales qui pèse sur les salaires et sur les entreprises, comme sur le revenu des travailleurs non salariés, la fraude à l'assurance maladie met en danger un système de protection santé que le monde entier peut envier à la France. Il serait bon, aussi bien du côté des assurés que des professionnels, de préserver ce système plutôt que scier la branche sur laquelle tout le monde est assis, à trop vouloir "consommer" pour son confort personnel. La fraude est une épidémie à juguler de toute urgence, pour continuer de garantir l'accès aux soins pour tous...